jeudi 17 décembre 2009

8) Carnet de voyage.Suzhou, la Venise de l'Est


Il n’était pas quinze heures et le mercure du thermomètre était à son apogée quand nous descendîmes du train ; un contrôleur à la sortie de la gare me demanda mon billet* que j’avais déjà enfoui dans une de mes poches et se ravisa en riant, me faisant signe qu’il avait confiance, c’était plutôt un bon signe. Nous connaissions le nom de l’auberge, son adresse et le numéro du bus, il restait toutefois à trouver l’arrêt et la direction, donc chercher la personne qui allait nous renseigner.
Avant de continuer, je voudrais dire que de mon point de vue et dans ma réalité, en ce qui concerne le voyage, il y a au moins trois types d’individus : les premiers rentrent dans notre propre histoire pour nous aider (ou il faut quelquefois aller les chercher), les seconds essaient d’y entrer pour nous empoisonner l’existence (en général ils arrivent les premiers, il faut essayer de les éviter) ces deux types de personnes nous font avancer ou nous donnent une leçon de vie, que nous payons parfois cher, mais après coup nous nous apercevons que nous avons appris. Il y a aussi un troisième type, ce sont les individus qui font partie du décor, les figurants en sommes, ils nous donnent parfois une information mais sans qu’il y ait d’échange proprement dit, et sans forcément qu’il y ait rencontre.
Nous cherchions donc l’information pour rejoindre l’auberge. Moult chauffeurs de taxis ou de pétrolettes nous avaient déjà offert leurs services que nous avions aussi sec déclinés. Soudainement, une gamine de sept ou huit ans s’agrippa de toutes ses forces à mon T-shirt. Je m’aperçus rapidement que c’était une jeune mendiante, son visage assez joli suppliait, elle voulait que je lui donnasse une pièce. Elle tourna rapidement son bras ce qui eût pour effet d'emberlificoter sa main, amputée de plusieurs doigts, dans mon maillot. Je voulais lui dire de me lâcher, je voulais faire comprendre aux adultes de sa famille qui regardaient la scène en souriant, que ce n’était pas une façon d’éduquer une fillette et qu’il fallait qu’elle me lâchât, qu’elle n’obtiendrait rien de cette façon, ce procédé me déplaisait fortement et me mettait mal à l’aise, mais je m’aperçus que la barrière de la langue et de la culture était posée. Mes yeux méchants n’impressionnèrent pas la gamine, j’essayai de me tourner brusquement mais sa main était si solidement entortillée que la demoiselle tournait avec moi, elle n’en était pas à son coup d’essai, j’en avais la preuve. La valse dura trop longtemps à mon goût, je décidais donc de lui vriller la main dans l’autre sens en évitant de lui arracher le reste des doigts. Et c’est à ce moment que mes six mois d’aïkido me servirent, je posais délicatement mon pouce sur le dos de sa main et mes autres doigts sur sa paume et j’exerçai une pression puis une rotation inverse au bobinage. J’étais sûr qu’elle lâcherait au moment où elle ressentirait la douleur que j’essayai de doser car j’étais conscient que la petite ne faisait pas le poids. Au moment où elle lâcha, une petite grimace aux lèvres, je traversai la rue promptement pour rejoindre les garçons ; la fillette n’insista pas. L’informateur, dont je parle plus haut, un viel homme sympathique se tenait de ce coté de la rue, il indiqua les renseignements que nous recherchions à Thomas et nous pûmes prendre le bus vers notre nouveau logement.

* Dans les gares on montre son ticket à l'accès aux quai, quand on monte dans le train et aussi quand on sort de la gare.

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